Photographier les vodous :
Catherine De Clippel

05.11.2022 – 05.02.2023

« Ce qui nous arrive ici, en plein visage, à l’improviste, ce n’est pas l’habituelle matière à curiosité […], ce précieux butin, il n’était pas à la portée d’un touriste ordinaire, ou même à un ethnologue du modèle habituel, de le conquérir […] Pierre Verger ne dit pas tout, et ne montre pas tout. Car c’est, aussi, un sage. »

Préface de Théodore Monod, dans Pierre Verger, Dieux dAfrique, Paris : Paul Hartmann, 1954.

L’exposition « Photographier les vodous : Catherine De Clippel » est la première partie d’une recherche en deux temps intitulée « Ce qui nous arrive ici, en plein visage », selon l’expression de Théodore Monod. L’exposition « Amexica : Marie Baronnet » (04.03 – 04.06.2023) constituera la seconde partie et fin.

Dans la culture occidentale, la religion vodou a longtemps été considérée comme un tissu de superstitions sanguinaires et maléfiques. On s’est autorisé à catégoriser le vodou au même titre que la magie ou la sorcellerie, reléguant les cultes vodous au rang de pratiques primitives, ancestrales, figées. Or, les vodous nous sont contemporains. Implantés depuis des temps immémoriaux, ils cohabitent aux côtés du christianisme et de l’islam. Aujourd’hui, des manifestations aux caractéristiques politiques et culturelles autour du vodou contribuent à faire évoluer son image.

L’anthropologie visuelle, elle, construit son objet dans la méfiance du mot pour en inscrire d’autres. Plus justes, pour un temps car au plus près du sensible. En acceptant l’idée que l’image enregistrée possède, par contamination culturelle, une puissance symbolique, en la délivrant de sa seule connotation indicielle, de sa nature de trace, elle va au-delà de sa simple représentation. Par là même, elle réinvestit des espaces qu’elle avait abordés avec les surréalistes, le domaine de la poésie et du sensible. Les images de Catherine De Clippel font suite à celles de Pierre Verger, aux pensées d’Alfred Métraux, aux intuitions de Georges Bataille, aux interrogations de Michel Leiris… Car au fil du temps, de tant d’années préparatoires, se dessinent des manières de voir, peut-être des travers, qui déterminent les images que nous croyons muettes mais qui se révèlent si bavardes parce qu’insensiblement instruites.

Biographie

Catherine De Clippel (née en 1940 à Aalst, Belgique) est photographe, réalisatrice et productrice de films documentaires. Fondatrice de la société Acmé film, elle accompagne les anthropologues Marc Augé et Jean-Paul Colleyn et coproduit avec Arte, l’INA et la RTBF, une série de films depuis le début des années 1980 sur les pratiques animistes en Afrique, au Brésil, au Venezuela, au Pakistan et en Inde. La série documentaire Vivre avec les dieux la fait voyager notamment au Togo et au Bénin à la découverte des vodous qu’elle photographie dès 1988.

À partir de 2002, ses photographies s’exposent dans des institutions internationales comme le Musée d’histoire naturelle de Lyon, Museum Rietberg de Zurich, Mudec de Milan, Milwaukee Art Museum, ou la Fondation d’art contemporain Post Vidai de Hô Chi Minh-Ville. Catherine De Clippel expose ses tirages au musée de l’Homme aux côtés de ceux de l’ethnologue Jean Rouch (Paris, 2017) et à la Fondation Cartier pour l’art contemporain (Paris, 2019). Au Bénin en 2019, elle poursuit sa recherche autour des vodous et collabore avec le plasticien Dominique Zinkpè dans le cadre d’une exposition à la galerie Le Centre à Abomey-Calavi.

La publication Vivre avec les dieux, co-écrite avec Marc Augé, Jean-Paul Colleyn et Jean-Pierre Dozon, paraît aux éditions de la Maison des sciences de l’homme en 2019, suivie de l’ouvrage Photographier les vodous, Togo-Bénin 1988-2019 (Paris, Maison des sciences de l’homme, 2020).

En 2022, le Centre de la photographie de Mougins lui consacre une monographie rassemblant une série de 25 tirages des vodous du Togo et du Bénin ainsi qu’une installation vidéographique sur papiers suspendus en polyvision à partir du film Les Dieux-Objets (Togo, 1989).

© Catherine De Clippel
Vodou Zangbeto
1989
Séko (Togo)
Tirage jet d’encre sur Rice paper Hahnemühle
135 x 90 cm

© Catherine De Clippel
Vodou Legba
1989
Séko (Togo)
Tirage jet d’encre sur Rice paper Hahnemühle
90 x 135 cm

© Catherine De Clippel
Hache du vodou Hevieso
1988
Aklakou (Togo)
Tirage jet d’encre sur Rice paper Hahnemühle
135 x 90 cm

© Catherine De Clippel
Vodou Legba
1989
Séko (Togo)
Tirage jet d’encre sur Rice paper Hahnemühle
135 x 90 cm

© Catherine De Clippel
Acolyte du vodou Djagli
1989
Séko (Togo)
Tirage jet d’encre sur Rice paper Hahnemühle
90 x 135 cm

Les Dieux-Objets
Togo, 1989
51 min, 16 mm, couleur
Réalisation : Jean-Paul Colleyn et Catherine De Clippel
Conseil scientifique : Marc Augé et Jean-Pierre Dozon
Production : Acmé films, RTBF, La Sept, ORSTOM, avec le concours de la RTSR et de FR3

Programmation parallèle

Visite guidée en présence de
Catherine De Clippel

Samedi 05.11 à 15h – Tarif : 6€

Cycle de projections
Anthropologie visuelle Partie I

Vendredi 16.12 de 19h à 21h – Entrée libre

Les Filles du vodou de Catherine De Clippel (France, 1990, 27 min, VOSTFR)
Eux et moi de Stéphane Breton (France, 2001, 62 min, VOSTFR)
Night Mail de Harry Watt et Basil Wright (Royaume-Uni, 1936, 25 min, VOSTFR)

 

Cycle de projections
Anthropologie visuelle Partie II

Samedi 14.01 de 19h à 21h – Entrée libre

The Song of Ceylon de Harry Watt et Basil Wright (Royaume-Uni, 1934, 37 min, VOSTFR)
Moi un Noir de Jean Rouch (France, 1959, 73 min, VF)

 

Informations et réservations

au +33 (0)4 22 21 52 12
ou +33 (0)4 22 21 52 14

kpeacock@villedemougins.com
eprestini@villedemougins.com
info@cpmougins.com

Cahiers #5

Ce qui nous arrive ici, en plein visage : Catherine De Clippel + Marie Baronnet

Contributeurs : François Cheval, Jean-Paul Colleyn, Jérôme Esnouf
ISBN : 979-10-90698-54-3
Date de parution : 31 octobre 2022
192 pages
Bilingue Français / Anglais
29 €

À la frontière séparant les États-Unis et le Mexique se dresse une barrière, une muraille sinistre et connue de tous. À elle seule, elle incarne tous les murs et refus de l’autre. Ailleurs, en pays Fon et Éwé, d’autres bornes se dressent, sous forme de sculptures en terre, posées directement sur le sol. Des protubérances qui dissocient les vivants des esprits. Entre les photographies de Marie Baronnet, prises à la frontière mexicaine, et celles de Catherine De Clippel, capturées en Afrique de l’Ouest, se noue pourtant une relation étonnante. Toutes deux saisissent ce qui se passe entre ce qui s’ouvre et entre ce qui se ferme, cet au-delà qui attise la curiosité propre à l’Homme. Car, pour ce dernier, il faut toujours appréhender ce qui se cache et se trouve de l’autre côté.
Extrait de l’introduction, François Cheval

En vente à la boutique du Centre de la photographie.