Commissariat : François Cheval et Yasmine Chemali

« Ce qui nous arrive ici, en plein visage, à l’improviste, ce n’est pas l’habituelle matière à curiosité […], ce précieux butin, il n’était pas à la portée d’un touriste ordinaire, ou même à un ethnologue du modèle habituel, de le conquérir […] Pierre Verger ne dit pas tout, et ne montre pas tout. Car c’est, aussi, un sage. »

Préface de Théodore Monod, dans Pierre Verger, Dieux d’Afrique, Paris : Paul Hartmann, 1954.
L’exposition « Amexica : Marie Baronnet » est la seconde partie d’une recherche en deux temps intitulée « Ce qui nous arrive ici, en plein visage », selon l’expression de Théodore Monod. L’exposition « Photographier les vodous : Catherine De Clippel » en constituait la première partie (5.11.2022 – 5.02.2023).

À la frontière séparant les États-Unis et le Mexique se dresse une barrière, une muraille sinistre et connue de tous. À elle seule, elle incarne tous les murs et refus de l’autre. Dans Amexica, la photographie est un champ de bataille. On s’y affronte dans un combat entre communautés, cultures et pays. On y voit surtout s’y mener une lutte sans merci entre individus et entre genres.

Dans un territoire circonscrit par des matériaux agressifs, les contradictions ne peuvent se régler sans heurts ; une arène où, à la fin, ce sont toujours les mêmes qui doivent s’avouer vaincus. Clivage racial, clivage de classe, tout ici s’oppose dans un affrontement où l’un des protagonistes supplie, et l’autre humilie. Monde binaire, alternance de lumière naturelle, aveuglante, et d’obscurité, précarité contre abondance, ville et désert, bricolage et sophistication, milices opposées aux coyotes, comme si cette partie du monde ne fonctionnait qu’en termes schématiques ! Il faut pourtant en convenir, les soirs de pleine lune, dans l’alternance du jour et de la nuit, se joue le combat entre deux forces, entre deux pulsions, celles de la vie et de la mort, de l’amour et de la haine. La ligne de démarcation indique clairement le territoire du maître et le territoire du faible.

Dans une suite photographique consacrée à la représentation d’une réalité apocalyptique à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, Marie Baronnet ne laisse rien dans l’ombre. Par l’emploi d’une couleur franche, souvent contrastée, avec une tonalité crépusculaire, la photographe fait ressortir la nature d’un conflit qui déchire les communautés. Son attention se porte sur des instants quelconques et juxtapose des moments qui rendent intelligibles le processus, l’apartheid mis en place par le mur, dans l’urgence, portrait par portrait, de saisir le drame qui nous fait face, ses protagonistes et ses modalités.

Biographie

Durant sa formation à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, Marie Baronnet (née à Paris en 1972) obtient en 1997 une bourse pour étudier au California Institute of The Arts de Los Angeles. Les premiers travaux de Marie Baronnet abordent la photographie et la vidéo comme un medium strictement artistique. Dès 1996 son travail multimédia est présenté au musée d’Art moderne de la Ville de Paris avant d’entrer dans les collections du Centre Pompidou.

Ses autoportraits abstraits sont présentés dans le comté de New York, aux côtés d’artistes féministes américaines comme Cindy Sherman ou encore Jenny Holzer dans le cadre de l’exposition « Laughter Ten Years After: The Revolutionary Power of Women’s Laughter » avant d’être exposés au musée des Beaux-Arts de Paris en 1999.

Photo-journaliste indépendante pour la presse française et américaine (Libération, Le Monde, L’Obs, Newsweek, Sunday Times, etc), elle entame une démarche documentaire à partir des années 2000. Elle s’installe à Los Angeles en 2011 et publie chez André Frère Éditions, Legends: The Living Art of Risqué (2014), un ouvrage sur l’art du striptease et ses pionnières à travers l’Amérique. Cette série entre dans la collection du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir.

Entre 2009 et 2019, elle documente régulièrement la frontière américaine et mexicaine et réalise sur ce sujet son premier film documentaire Amexica (95 min, 2020), coproduit par la société Velvet Films de Raoul Peck et Arte).

En 2023, le Centre de la photographie de Mougins lui consacre une exposition monographique sur son travail à la frontière et présente pour la première fois depuis sa diffusion sur Arte le film Amexica.

© Marie Baronnet
Migrants traversant la frontière
Naco, Arizona, États-Unis, 2010

© Marie Baronnet

Miroir, outil de communication entre migrants
Naco, Mexique, 2010

© Marie Baronnet
Billets de banque, dollars et pesos
Mexicali, Mexique, 2009

© Marie Baronnet
Naco, Mexique, 2010

© Marie Baronnet
Tea Party Rally
Désert de Sonora, Arizona, États-Unis, 2010

© Marie Baronnet
Morgue
Tucson, Arizona, États-Unis, 2021

© Marie Baronnet
Morgue
Tucson, Arizona, États-Unis, 2021

Documentaire
2020
95 min, numérique,
couleur, VOSTFR
Réalisation : Marie Baronnet
Coproduction : Velvet Film et Arte
Musique originale : Marc Ribot

Programmation parallèle

Visite de l’exposition
en présence de Marie Baronnet
Samedi 04.03

15 h Visite guidée

15 h 30 Projection du film Amexica

17 h Questions / Réponses

Marie Baronnet et Nicole Fernández Ferrer du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir

 

Accessible sur présentation de votre billet d’entrée au Centre

 

Visites contées
Les dimanches 02.04 – 07.05 – 04.06 à 16 h

À partir de 3 ans. Entrée libre

 

Projection jeune public
Fête du court-métrage
Samedi 18.03 à 10 h 30

À partir de 8 ans. Entrée libre

 

Projection
Samedi 25.03 de 19 h à 21 h

Entrée libre

De l’autre côté de Chantal Akerman (France, 2002, documentaire, 99 min, VOSTFR)

et La promesa de Marie Baronnet (Mexique, 2023, documentaire, 8 min, VOSTFR)

 

Regards croisés
Vendredi 09.06 de 19 à 21 h

Entrée libre

Yvan Gastaut, historien et maître de conférences de l’université Nice Sophia Antipolis et Éric Oberdorff, chorégraphe de la Compagnie Humaine

Projection
Mercredi 17.05 de 19 h à 21 h

Entrée libre

El velador de Natalia Almada (Mexique, 2011, documentaire, 72 min, VOSTFR)

et La promesa de Marie Baronnet (Mexique, 2023, documentaire, 8 min, VOSTFR)

Nuit européenne des musées
Samedi 13.05 de 19h à 23h

Entrée libre

 

Informations et réservations

au +33 (0)4 22 21 52 12
ou +33 (0)4 22 21 52 14

kpeacock@villedemougins.com
eprestini@villedemougins.com
info@cpmougins.com

Cahiers #5

Ce qui nous arrive ici, en plein visage : Catherine De Clippel + Marie Baronnet

Contributeurs : François Cheval, Jean-Paul Colleyn, Jérôme Esnouf
ISBN : 979-10-90698-54-3
Date de parution : 31 octobre 2022
192 pages
Bilingue Français / Anglais
29 €

À la frontière séparant les États-Unis et le Mexique se dresse une barrière, une muraille sinistre et connue de tous. À elle seule, elle incarne tous les murs et refus de l’autre. Ailleurs, en pays Fon et Éwé, d’autres bornes se dressent, sous forme de sculptures en terre, posées directement sur le sol. Des protubérances qui dissocient les vivants des esprits. Entre les photographies de Marie Baronnet, prises à la frontière mexicaine, et celles de Catherine De Clippel, capturées en Afrique de l’Ouest, se noue pourtant une relation étonnante. Toutes deux saisissent ce qui se passe entre ce qui s’ouvre et entre ce qui se ferme, cet au-delà qui attise la curiosité propre à l’Homme. Car, pour ce dernier, il faut toujours appréhender ce qui se cache et se trouve de l’autre côté.
Extrait de l’introduction, François Cheval

En vente à la boutique du Centre de la photographie.

Photographier les vodous :
Catherine De Clippel

05.11.2022 – 05.02.2023

« Ce qui nous arrive ici, en plein visage, à l’improviste, ce n’est pas l’habituelle matière à curiosité […], ce précieux butin, il n’était pas à la portée d’un touriste ordinaire, ou même à un ethnologue du modèle habituel, de le conquérir […] Pierre Verger ne dit pas tout, et ne montre pas tout. Car c’est, aussi, un sage. »

Préface de Théodore Monod, dans Pierre Verger, Dieux dAfrique, Paris : Paul Hartmann, 1954.

L’exposition « Photographier les vodous : Catherine De Clippel » est la première partie d’une recherche en deux temps intitulée « Ce qui nous arrive ici, en plein visage », selon l’expression de Théodore Monod. L’exposition « Amexica : Marie Baronnet » (04.03 – 04.06.2023) constituera la seconde partie et fin.

Dans la culture occidentale, la religion vodou a longtemps été considérée comme un tissu de superstitions sanguinaires et maléfiques. On s’est autorisé à catégoriser le vodou au même titre que la magie ou la sorcellerie, reléguant les cultes vodous au rang de pratiques primitives, ancestrales, figées. Or, les vodous nous sont contemporains. Implantés depuis des temps immémoriaux, ils cohabitent aux côtés du christianisme et de l’islam. Aujourd’hui, des manifestations aux caractéristiques politiques et culturelles autour du vodou contribuent à faire évoluer son image.

L’anthropologie visuelle, elle, construit son objet dans la méfiance du mot pour en inscrire d’autres. Plus justes, pour un temps car au plus près du sensible. En acceptant l’idée que l’image enregistrée possède, par contamination culturelle, une puissance symbolique, en la délivrant de sa seule connotation indicielle, de sa nature de trace, elle va au-delà de sa simple représentation. Par là même, elle réinvestit des espaces qu’elle avait abordés avec les surréalistes, le domaine de la poésie et du sensible. Les images de Catherine De Clippel font suite à celles de Pierre Verger, aux pensées d’Alfred Métraux, aux intuitions de Georges Bataille, aux interrogations de Michel Leiris… Car au fil du temps, de tant d’années préparatoires, se dessinent des manières de voir, peut-être des travers, qui déterminent les images que nous croyons muettes mais qui se révèlent si bavardes parce qu’insensiblement instruites.

Biographie

Catherine De Clippel (née en 1940 à Aalst, Belgique) est photographe, réalisatrice et productrice de films documentaires. Fondatrice de la société Acmé film, elle accompagne les anthropologues Marc Augé et Jean-Paul Colleyn et coproduit avec Arte, l’INA et la RTBF, une série de films depuis le début des années 1980 sur les pratiques animistes en Afrique, au Brésil, au Venezuela, au Pakistan et en Inde. La série documentaire Vivre avec les dieux la fait voyager notamment au Togo et au Bénin à la découverte des vodous qu’elle photographie dès 1988.

À partir de 2002, ses photographies s’exposent dans des institutions internationales comme le Musée d’histoire naturelle de Lyon, Museum Rietberg de Zurich, Mudec de Milan, Milwaukee Art Museum, ou la Fondation d’art contemporain Post Vidai de Hô Chi Minh-Ville. Catherine De Clippel expose ses tirages au musée de l’Homme aux côtés de ceux de l’ethnologue Jean Rouch (Paris, 2017) et à la Fondation Cartier pour l’art contemporain (Paris, 2019). Au Bénin en 2019, elle poursuit sa recherche autour des vodous et collabore avec le plasticien Dominique Zinkpè dans le cadre d’une exposition à la galerie Le Centre à Abomey-Calavi.

La publication Vivre avec les dieux, co-écrite avec Marc Augé, Jean-Paul Colleyn et Jean-Pierre Dozon, paraît aux éditions de la Maison des sciences de l’homme en 2019, suivie de l’ouvrage Photographier les vodous, Togo-Bénin 1988-2019 (Paris, Maison des sciences de l’homme, 2020).

En 2022, le Centre de la photographie de Mougins lui consacre une monographie rassemblant une série de 25 tirages des vodous du Togo et du Bénin ainsi qu’une installation vidéographique sur papiers suspendus en polyvision à partir du film Les Dieux-Objets (Togo, 1989).

© Catherine De Clippel
Vodou Zangbeto
1989
Séko (Togo)
Tirage jet d’encre sur Rice paper Hahnemühle
135 x 90 cm

© Catherine De Clippel
Vodou Legba
1989
Séko (Togo)
Tirage jet d’encre sur Rice paper Hahnemühle
90 x 135 cm

© Catherine De Clippel
Hache du vodou Hevieso
1988
Aklakou (Togo)
Tirage jet d’encre sur Rice paper Hahnemühle
135 x 90 cm

© Catherine De Clippel
Vodou Legba
1989
Séko (Togo)
Tirage jet d’encre sur Rice paper Hahnemühle
135 x 90 cm

© Catherine De Clippel
Acolyte du vodou Djagli
1989
Séko (Togo)
Tirage jet d’encre sur Rice paper Hahnemühle
90 x 135 cm

Les Dieux-Objets
Togo, 1989
51 min, 16 mm, couleur
Réalisation : Jean-Paul Colleyn et Catherine De Clippel
Conseil scientifique : Marc Augé et Jean-Pierre Dozon
Production : Acmé films, RTBF, La Sept, ORSTOM, avec le concours de la RTSR et de FR3

Programmation parallèle

Visite guidée en présence de
Catherine De Clippel

Samedi 05.11 à 15h – Tarif : 6€

Cycle de projections
Anthropologie visuelle Partie I

Vendredi 16.12 de 19h à 21h – Entrée libre

Les Filles du vodou de Catherine De Clippel (France, 1990, 27 min, VOSTFR)
Eux et moi de Stéphane Breton (France, 2001, 62 min, VOSTFR)
Night Mail de Harry Watt et Basil Wright (Royaume-Uni, 1936, 25 min, VOSTFR)

 

Cycle de projections
Anthropologie visuelle Partie II

Samedi 14.01 de 19h à 21h – Entrée libre

The Song of Ceylon de Harry Watt et Basil Wright (Royaume-Uni, 1934, 37 min, VOSTFR)
Moi un Noir de Jean Rouch (France, 1959, 73 min, VF)

 

Informations et réservations

au +33 (0)4 22 21 52 12
ou +33 (0)4 22 21 52 14

kpeacock@villedemougins.com
eprestini@villedemougins.com
info@cpmougins.com

Cahiers #5

Ce qui nous arrive ici, en plein visage : Catherine De Clippel + Marie Baronnet

Contributeurs : François Cheval, Jean-Paul Colleyn, Jérôme Esnouf
ISBN : 979-10-90698-54-3
Date de parution : 31 octobre 2022
192 pages
Bilingue Français / Anglais
29 €

À la frontière séparant les États-Unis et le Mexique se dresse une barrière, une muraille sinistre et connue de tous. À elle seule, elle incarne tous les murs et refus de l’autre. Ailleurs, en pays Fon et Éwé, d’autres bornes se dressent, sous forme de sculptures en terre, posées directement sur le sol. Des protubérances qui dissocient les vivants des esprits. Entre les photographies de Marie Baronnet, prises à la frontière mexicaine, et celles de Catherine De Clippel, capturées en Afrique de l’Ouest, se noue pourtant une relation étonnante. Toutes deux saisissent ce qui se passe entre ce qui s’ouvre et entre ce qui se ferme, cet au-delà qui attise la curiosité propre à l’Homme. Car, pour ce dernier, il faut toujours appréhender ce qui se cache et se trouve de l’autre côté.
Extrait de l’introduction, François Cheval

En vente à la boutique du Centre de la photographie.